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20 août 2009 4 20 /08 /août /2009 03:59

New York, le 5 août 2009

 

Monsieur St Fort,


j
e ne vois pas la nécessite pour de plus amples discussions sur le créole dans la mesure que ce sujet n’entre pas dans le cadre de la priorité actuelle, quand le pays veut sortir du bourbier et cherche une nouvelle source d’inspiration.

Depuis le copieux débat des années soixante-dix, nous avons évalué la portée du créole et la limite de nos aspirations. Incapable de faciliter la communication inter citoyenne, le créole a servi la cause de la médiocrité quand il est devenu un outil dévastateur entre les mains des démagogues.


Franchement, je ne vois pas l’utilité de la langue créole dans un programme d’intégration voire un processus de transformation de la mentalité haïtienne.


Premièrement, l’intégration doit placer nos jeunes citoyens plus près de la civilisation universelle. En ce sens, nous devons reconnaître les grandes conquêtes de la race humaine. Depuis le lancement du débat sur l’usage officiel du  créole, les autres peuples ont inventé, fax, portable, four à micro ondes, GPS, Internet, écran plat. Si la technologie est l’une des références des temps modernes,  avons nous bougé de notre position initiale ? 


Deuxièmement, on ne peut pas se défaire totalement du patrimoine colonial. L’Indépendance ne nous renvoie pas en Afrique, mais nous invite à sauvegarder des acquis telles que la langue française et la culture occidentale. Et dans la colonie et dans la métropole, les peuples luttaient contre le totalitarisme pour la liberté. Semble-t-il que le courant européen a inspiré nos ancêtres dans la lutte pour le changement. Malheureusement, nos institutions sociales n’ont pas pu établir l’exact dosage pour formuler l’identité nationale. Dans cette « tyrannie des valeurs », on se contente de croire en la bonté d’une chose ou ignorer son efficacité. 


Le créole est appelé à évoluer avec la société haïtienne. Le bas peuple et la paysannerie s’expriment de façon émotionnelle, sans décorum ni civilité. Puisque cette langue est bannie des hautes sphères sociales et l’administration, certains artistes se contentent d’exploiter ses traits esthétiques.

Personne ne sait ce que serait un  « créole classique », passé par le tamis des discussions de salon. Les modèles esthétiques disponibles ont été introduits par des personnes assez formées pour pouvoir détecter « l’exotisme du créole ».


Frank Étienne, Maurice Sixto, Fritz Valescot n’entendent pas offrir un statut supérieur au créole ni s’ériger en interprètes de cette langue.


Comme Picasso s’est inspiré de l’art nègre, nos créateurs partent à la découverte d’une nouvelle source d’expression. Les personnages en question ont exploité le « côté comique » de la chose suivant leurs compréhensions et leurs fantaisies. Ils veulent seulement  amuser leur audience, pas question de produire un « art classique » parce qu’ils sont tous anticonformistes en certains sens. Ils ont pu trouver la façon de faire admettre « le vulgaire ».


Picasso a peint Les demoiselles d’Avignon, Germanica, des cauchemars de la peinture moderne. Quelque part dans l’une de ces pièces, Frank Étienne fait dire à l’un de ses personnages, mwoi envi wè mouche. Sixto a été plus loin dans ses sarcasmes,  certaines de ses blagues ne peuvent être diffusées ni écoutées en famille. Quelque part, il a dit : « pas dit m’ap dit bétise. Ces choses viennent de notre folklore. » L’auteur de Zabelbok, semble être l’unique créateur haïtien versé dans l’autocritique. Il a défini sa scène en donnant une dimension folklorique à son art, apparemment la réelle envergure du créole.


Semble-t-il que le débat sur cette langue nous place dans « l’anticonformisme » ? Les créolistes sont trop insignifiants pour renverser une pratique séculaire, ce que le créole est et ce qu’on veut qu’il soit. En effet, formés à l’étranger, les créolistes ont perdu des complexes que l’homme ordinaire conserve. L’un prend des libertés avec sa culture, l’autre se sent assujetti.


Quand je dis que le créole est appelé à évoluer avec la société, il peut sortir de l’usage ordinaire, subir des transformations avant de s’éteindre définitivement.


Ce que vous appelez « langue maternelle » n’appartient à aucune famille. Comme l’obscurité fait place à l’électricité, la sorcellerie à la science, le créole fera place au français. À part la paysannerie et le bas peuple, personne ni même nos créateurs ne contribuent à l’évolution de cette langue. Dépourvu de moteur, incapable de passer à une vitesse supérieure, impossible de se régénérer face aux impératifs modernes, cette langue se marginalise davantage face au français, véhicule du savoir et de la modernité.


Vous avez abordé  un sujet qui dépasse les frontières de vos expertises. La linguistique ne répond pas aux problèmes d’utilité et d’utilisation d’une langue. Il faut tenir compte des faits historiques et des phénomènes sociaux. En effet, la classe dominante détient le monopole de la langue. Il faudrait revoir les conquêtes de cette classe dans tous les domaines pour pouvoir comprendre le problème de la langue. Malheureusement, l’instabilité politique a ruiné les acquis de cette classe a aussi érode sa structure.


Pour prouver l’inefficacité du créole dans un programme d’intégration ou le processus de transformation de la mentalité haïtienne, je vous expose à l’utilité de la langue française. Elle est l’unique langue dont l’usage est géré par une académie ; la politique qui en découle regroupe tous ses locuteurs. Le francophone hérite toutes les conquêtes culturelles et scientifiques d’un peuple.


La francophonie représente un carrefour de possibilités pour nos écrivains, acteurs, diseurs et musiciens. En certains sens, elle serait aussi prospère que l’industrie touristique dont nous rêvons. Avant de blâmer nos politiciens, il revient à vous autres intellectuels de prôner une meilleure compréhension de la chose en concevant ou en initiant un programme d’intégration francophone pour placer notre nation plus près de la civilisation moderne.

C’est dans ce contexte que je pense que les discussions sur l’usage du créole ne contribuent pas à notre évolution sociale mais à notre disparition morale quand le monde s’élargit et que nous nous replions sur nous-mêmes comme des animaux qui se cachent pour mourir.

 


Rony Blain


 


Références :

« Lettre de Hugues St Fort à Gérard Bissainthe », Hugues St Fort, Le Nouvelliste le 29 juillet.

« Morphologie et syntaxe du créole » Hugues St Fort, Le Nouvelliste 4 août 2009.

« Haïti : Ce que les locuteurs haïtiens en particulier devraient savoir au sujet des langues créoles (1) », Hugues St Fort, Le Nouvelliste 7 août 2009

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20 août 2009 4 20 /08 /août /2009 02:13

New York, le 15 août 2009

 

Monsieur Guerrier,


Après avoir relu votre article autant de fois qu’il faut, plus qu’il n’en fallait, ma position reste inchangée. Il est presqu’impossible d’être guéri de sa première impression quand les facteurs qui les inspirent persistent indéfiniment. J’ai toujours rejeté ce modèle d’écriture jugé trop académique et trop synthétique. Le public national peut se sentir mystifié voire humilié face à ce flot de propositions qui inondent l’entendement sans apporter suffisamment d’éclairage. Cette pratique rend la communication plus difficile quand on explore ses points de vue sans tenir compte du vis-à-vis.


Il n’est pas de mes intensions de créer un rapport de force comme pour faire pencher la balance dans le sens de mes intérêts. Si vous relisez ma première lette, vous allez voir que nos arguments s’alignent sur plusieurs points. Fort heureusement, vous êtes conscient de notre affinité intellectuelle et du niveau de compréhension qui dégage de ce cliquetis littéraire.


Comme je l’ai déjà fait remarquer, le modèle de leadership que vous prônez , est inapplicable dans notre pays. La plus grande faille de votre proposition c’est que les institutions appelées à encadrer cette « armée de leaders post-modernes » sont elles mêmes défaillantes. Par exemple, l’armée a été bannie, l’église est ébranlée. Que reste-t-il de l’école et de la famille ?  S’emparant des circuits de l’information, la presse boycotte la culture, prône l’obscénité quand elle n’est pas en mesure de relancer le débat national. Sales, malodorants, comme de voraces corbeaux, les faux prophètes investissent la scène politique, rependent le désordre et la confusion sur leur passage. Nous veillons dans l’ornière comme les canards barbotent et les cochons pataugent.


Il ne s’agit pas de sertir vos étudiants de qualités supérieures pour en faire de véritables leaders, ou qu’ils aient fréquenté des institutions fantastiques enseignant  des programmes magiques.


Produit du milieu, votre « armée de leaders » portera  les défauts dont on veut les exempter. Directeurs, enseignants, compagnons, parents sont des « agents corrupteurs » auxquels cette pépinière serait exposée, contre qui, elle ne saurait se protéger.


Dans votre lettre, vous avez affirmé vos respects pour nos ancêtres tout en déclarant que l’ancienne école connaîtrait l’insuccès face aux défis actuels.

Il faut tenir compte des aptitudes naturelles du meneur, la nature de la crise à gérer et ses capacités de résistance.

Toussaint Louverture nous aurait conduit à la prospérité s’il était de notre temps. Premièrement, il dispose déjà les qualités d’un grand leader, il se serait identifié à la cause, il prendrait les bonnes décisions jusqu’à se sacrifier lui-même.


Sachez que la carence institutionnelle est responsable de la déchéance actuelle. Rien de grand ni de noble n’émergera de l’actuel bourbier à l’exception d’un leader charismatique, bouclier de la cause nationale.

L’efficacité du visionnaire résident dans le respect qu’il inspiré, ainsi personne ne pense à le désobéir, la communauté toute entière est prête à se sacrifier pour lui. Habituellement, ces  meneurs s’expriment à travers des « mythes »,  langage universel traduisant une cause commune.

Finalement ces leaders qui étaient moins éduqués que nous ne se perdraient pas dans le dédale des théories, se contenteraient de prôner trois principes : Communication, Objectif, Stratégie. Il faut reconnaitre que ces  meneurs qui ont connu de près leurs prédécesseurs avaient pour mission de rectifier les failles constatées. Pour vous dire que ces leaders n’étaient pas des générations spontanées. Figures traditionnelles, ils transcendaient la victoire dans toute ses dimensions.


Contrairement à vos croyances, je refuse d’admettre que nos ancêtres appartiennent au passé. Deux siècles après son Indépendance, notre nation renonce sciemment à sa souveraineté.  Nos actuels responsables n’hésitent pas de chier, de  vomir et d’uriner sur le bureau qu’ils occupent. Nous voici face à une contradiction historique, simplement, nous avons toujours évolué en dehors de notre histoire.


En vous présentant l’horreur comme je la vois, en vous communiquant mes frustrations sans les altérer, je refuse de vous abandonner dans un univers sceptique. Finalement, je vous dévoile l’existence d’un programme de réforme générale, une savante réponse à la problématique haïtienne, l’œuvre qui m’a coûté six années de durs labeurs. Sachant que la connaissance est lente à se divulguer, que la tradition a dressé des remparts infranchissables, face cette réalité, je trouve un réconfort dans mes correspondances où je pousse un double cri : douleur, indignation.

 

Rony Blain

 

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11 août 2009 2 11 /08 /août /2009 22:21

New York, le 31 juillet 2009

 

Monsieur Guerrier,


Dans votre article, Le leader post-moderne absent mais nécessaire en Haïti, vous avez évalué la situation nationale à la lumière des théories occidentales, pratique connue sous le nom de eurocentrisme. On se demande si le développement social passe par l’occidentalisation nationale ?


Pour ma part, les pays du tiers monde, sous-développés pour la plupart, appartenant à d’autres âges, vivent une autre réalité, une situation différente du « monde moderne ». En imposant le modèle occidental comme l’unique alternative, vous avez transgressé l’histoire, la culture et d’autres facteurs contribuant à l’évolution de l’humanité.


Sans remonter notre histoire hantée de cauchemars, aux nuits jalonnées de complots, aux ruelles bondées de traîtres, le pays a subi un coup mortel, assené par la Révolution de 1957. Les départs, les tortures, la peur ont causé un traumatisme général, quand Haïti s’est littéralement débarrassée de ses valeurs. Je me réfère à cette date, sceau fatal qui marque à jamais notre existence dans la mesure qu’elle apporte un élément nouveau, creusant un fossé entre les générations, projetant les membres d’une même famille vers les quatre coins de la terre. Laissant sa cours historique,  la société haïtienne s’engage dans un blocage affreux, un deuil intraitable qui ronge l’âme nationale.

Aujourd’hui, nos dirigeants aussi bien que les jeunes ne connaissent pas l’histoire du pays. Le processus de « transmission » a été dramatiquement interrompu. Voila pourquoi, deux cents ans après notre indépendant, la Communauté internationale nous impose des programmes de développement, simplement notre faillite et notre défaillance inspirent autant de dégoût qu’ils ne causent de pitié.

Nous n’allons pas pouvoir changer cette réalité en persistant à ignorer les faits ni en proposant de mauvaises solutions.


Il est difficile pour notre société de produire des leaders « post modernes », parce que nous n’appartenons pas à cette époque mais à notre temps. Produits du milieu, les leaders « post modernes » appartiennent à leur époque, un ordre chronologique universellement inapplicable pour ses décalages culturels. Musicologues, critiques d’art et littéraires définissent les époques par les conceptions, les nouvelles approches, les nouvelles tendances et les nouveaux courants d’idées qui traversent une société. Depuis son indépendance, la société haïtienne veille dans un monde rudimentaire.


Je ne connais pas assez la province pour porter un exact jugement, regardez Port-au-Prince et ses alentours garnis de lots de pierres préhistoriques, dites-moi le quartier qui serait capable de produire des leaders « post-modernes » ? La carence de services de base, l’état du transport public suffisent pour tuer l’amour-propre des futurs dirigeants du pays, qui demain arrivés au timon des affaires passeront leur temps à fuir leurs mauvaises expériences.


Les temps modernes représentent pour nous seulement une « référence », pas un modèle idéal. Malheureusement, nous ne sommes pas assez organisés ni civilisés apparemment pour établir des « références ». Dans notre conception, tout ce qui est importé est parfait, tout ce qui est exotique est louable ainsi nous voyageons de la confusion à la déchéance.


Contrairement à votre approche, la question du leadership national est mal posée. Ressemblant à une injonction occidentale, elle ne tient pas compte de la potentialité nationale, l’ensemble des facteurs pouvant engendrer le développement. Vous avez présenté une liste de référence occidentale sans citer une autorité haïtienne, pour vous engager dans une discussion à sens unique. En reniant le travail de vos concitoyens, en citant des penseurs occidentaux, vous avez proposé de fausses solutions en dressant d’autres obstacles.


Connaissant l’histoire des peuples, comme tant d’autres, Haïti finira par produire des leaders. Ils ne seront jamais du post modernisme,  mais de notre réelle époque.


Avant de quitte son poste, l’ambassadeur américain, Janet Ann Sanderson, déclara : « La conjoncture exige qu'Haïti ait un leadership à la hauteur de Toussaint Louverture : un leadership responsable, visionnaire et énergique».


Issu du post modernisme, le diplomate américain qui est assez compétent pour occuper ce poste, qui connaît nos hommes aussi bien que les dossiers nationaux, ne peut pas se tromper. Il  doute de l’efficacité des leaders « post modernes » pour relever le défi national. S’il mentionne le nom de Toussaint Louverture, c’est qu’il croit que le sillage de cet homme conduira à de meilleurs résultats face  à l’actuelle cochonnerie. D’ailleurs le précurseur de l’Indépendance n’avait-il pas déclaré : « Ils repousseront par les racines parce qu’ils sont profonds et nombreux ».


Même quand il faut s’inspirer des modèles étrangers, on doit tenir de notre nature, de notre histoire pour avancer sur le chemin du progrès. Pour son développement, notre société doit passer par un processus de transformation profonde laquelle engendra un nouvel élan culturel, un nouveau dynamisme social enfin le changement véritable.


Voulant faire régner des leaders « post modernes » dans le marécage haïtien, conduira au désastre, parce que l’administration du pays a ni structure, ni personnel, ni équipement, ni établissement. L’État haïtien ne dispose pas d’une adresse géographique.


Nous avons un problème de mentalité pour ne pas dire de génération. Ceux qui veulent le remédier, doivent partir de la base, en considérant les racines selon les prescriptions de Toussaint.


Au lien de chercher en vain des leaders « post modernes » dans notre milieu préhistorique, vaut mieux retourner au serment de nos aïeuls, en questionnant leurs actes pour procéder aux rectifications jugées nécessaires.


Les sociétés vivent différentes séquences histoires. Il est erroné de faire un parallèle culturel en superposant les possibilités comme si elles sont interchangeables, ou transférables. Toute volonté d’occidentaliser une société non européenne conduit à la ruine absolue.

 

Rony Blain

 




Références :

« Le leader post-moderne absent mais nécessaire en Haïti », Jean-Fritz Guerrier, Le Nouvelliste 21 juillet 2009.

« Discours de l’ambassadeur », P-au-P, 9 juin 2009,  Site de l’ambassade américaine en Haïti.

 

 

 

 

 

 

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24 juillet 2009 5 24 /07 /juillet /2009 22:54

New York, le 23 juillet 2009

Monsieur Innocent,

Avant de vous répondre, j’ai consulté les archives du Nouvelliste pour collecter des informations sur le colloque « L’exclusion sociale en Haïti » que vous avez mentionné dans votre article.

Sans ces informations, il me serait impossible de saisir la portée de vos démarches dont je me propose de critiquer pour pouvoir apporter mon appui à la cause nationale.

Étant un ONG, l’ONPES, l’organisateur  du colloque ne sert pas les intérêts nationaux, son agenda est conçu pour plaire ses bailleurs, occuper un espace stratégique, assurer sa survie.  Ainsi, cette organisation peut ne pas saisir l’importance du sujet en question, l’exclusion sociale, celui qu’elle a frauduleusement choisi. D’ailleurs, d’où vient les fonds dépensés pour la tenue de cet atelier de trois jours, payer les experts et l’espace ?

Dans ce colloque, à côté des représentants du gouvernement, des partis politiques, de la société civile et des organismes internationaux, siégeaient d’illustres anonymes, des scientistes « locaux », des tonneaux vides, dont la réputation n’a pas encore atteint Lagônave. En un mot, le ton officiel du colloque dénote les agissements d’un petit groupe d’opportunistes qui essayent de remplir le vide actuel.

Dans votre article, si vous n’avez pas développé le concept de «  lutte des classes en Haïti » annoncé pour vous égarer trente ans en arrière, en citant les propos de Andrew Young, semble-t-il que le Colloque a eu quelque succès pour vous, quand vous écrivez : «  Toutefois, ce sera à nos ONG et nos partis politiques de rendre les résolutions de ce colloque accessible aux collectivités territoriales. Il faut que le peuple participe. Il faut surtout accepter de 'perdre' le temps qu'il faudra pour vendre les idées de ce colloque. »

Comment les ONG, représentants des intérêts étrangers au pays et les partis politiques symboles de l’ambition, auteurs du blocage puissent communiquer le résultat à la rue haïtienne ?  Est-ce que ces entités mentionnées ont cette vocation ?

Vous avez parlé de meilleures dispositions des « inclus » face au sort des « exclus ». Les privilégiés haïtiens ne sont pas forcement « intégrés ». Je me demande si ces « inclus » ont quelque chose à partager, habitant une ville sans services de base, sans bibliothèque, sans hôpital, sans salle de spectacle, sans cinéma, délimitée par des bidonvilles, aux ruelles obscures et malsaines ? Vous appelez « inclus » des gens sans culture, riche de leur seule suffisance qui en ces temps de grandes carences utilisent la scène nationale comme centre d’apprentissage ?

Si nos privilégiés avaient des mœurs raffinées ou des manières civilisées, le peuple aurait grandement bénéficié. La rue qui aujourd’hui s’accroche indéfiniment au téléphone portable, aurait subit des promotions, franchi des étapes en suivant les bons exemples des classes supérieures. Voila qu’il se met a suivre des parasites, admirateurs d’inventions occidentales lesquelles attisent l’envie chez les démunis, incitent le vice chez les jeunes.

Voici que le colloque a réuni le plus grand nombre d’ignorants possible ; aucun participant n’a publié des ouvrages sur le sujet qu’ils sont appelés à traiter. Monsieur, l’Humanité a fait de grandes conquêtes. Pour le développement du pays on doit emprunter ce sentier aménagé depuis plus de mille ans par les charriots triomphants de la civilisation.

La société haïtienne est édifiée sur une base d’exclusion, car l’esclavage d’où nous sommes issus est un système d’exclusion définit par la couleur de la peau. Apparemment inhérente à notre existence, l’exclusion infecte aussi nos pratiques quotidiennes. J’appuie sans réserve les partisans de la transformation de la mentalité haïtienne, pour dévider le psychisme collectif de ses tares séculaires.

Auteur de La Réforme sociale, document proposant  la création de maints programmes et institutions, lors de mon passage au pays le mois dernier, l’après-midi, j’allais discuter au Champ de Mars, pour affronter cette foule composées d’étudiants, de demi savants, d’ignorants, de chômeurs, de voleurs et de paresseux. Je pouvais même identifier les policiers en civil dont je me mettais à narguer, sans penser aux conséquences. Si quelques faux prophètes ont divisé l’endroit en territoire, je n’hésitais pas de les rabaisser quand ils se présentaient devant moi pour bloquer le débat. Pour clôturer cet été d’aventure, j’ai donne ma conférence de presse au local de la Radio Mégastar, à la rue de la Réunion. Après, je fus porté en triomphe par mes amis du Champ de Mars jusqu'à notre lieu de réunion habituelle.

Haïti a toujours été ce qu’elle est, un système de cercles fermés, produisant des créatures égocentriques, ce qu’on appelle chez nous « esprit coridò ».

Voulant m’adresser directement au public national, j’ai choisi un endroit qui lui est accessible. J’ai essayé sans succès d’obtenir un espace à l’Hôtel Le Plaza, Le Palace, Le Collège St Pierre, Le Lycée des jeunes filles, Radio Cacique, Faculté d’ethnologie, Faculté des sciences avant d’atterrir au local de la Radio Mégastar. Certains tenants vont jusqu'à réclamer $600 US, d’autres me déclaraient que l’endroit est réservé aux activités internes de l’établissement.

Partout où je vais, soit lors des causeries dans les universités ou sur les places publiques, je constate l’absence d’un intermédiaire. Les jeunes ont perdu contact avec la réalité nationale quand la transmission des valeurs a été dramatique interrompue soit par l’exil, l’ignorance ou la mauvaise inclination.

Monopolisant le circuit de l’Information qui est devenue un marché lucratif, la presse nationale s’emploie à aliéner le public par  la désinformation et la diffamation qu’elle divulgue incessamment.

Issus des bidonvilles, comme des termites, nos jeunes journalistes, des chômeurs déguisés, ne sont pas en mesure de militer pour une noble cause ni porter le débat national à un niveau supérieur. Bossus, boiteux, difformes, débiles, assoiffés, affamés, il revient à ces gueux de commenter les faits sociaux et les événements politiques, de rédiger des articles dénudés de sens et de bon sens. Ce blocage volontaire n’est-il pas une " exclusion criminelle "?

Les personnes qui parlent d’inclusion en Haïti, réclament davantage de droit et de privilège. Malheureusement, le colloque n’a pas publié son travail. J’aimerais savoir comment se fera « l’inclusion » depuis la conception jusqu'à la création de nouvelles institutions en passant par l’utilité des programmes et la reconnaissance de la potentialité haïtienne.

 

Rony Blain

Activiste, chercheur

 

Références :

L’exclusion sociale en Haïti, Géralda Sainville, Le Nouvelliste, le 29 juin 2009.

Haïti dépolitise le concept de « Lutte des classe », Henry-Claude Innocent, Le Nouvelliste, le 17 juillet 2009.

 

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17 janvier 2009 6 17 /01 /janvier /2009 19:06
New York, le 14 janvier 2009


 

Lettre ouverte à Monsieur René Préval Président de la République d’Haïti


 

Monsieur le Président,

 

Évaluant votre présidence, certains observateurs qualifient votre présence de paquet embarrassant, d’objet encombrant, d’obstacle douloureux, de circonstance gênante, de complot fatal, de sol improductif,  de temps perdu, de cercle vicieux, de plaie incurable, de mandat abominable, de marionnette méprisable.

 

En effet, votre catastrophique gestion accouche : un convoi d’enlèvements, un incendie de pillage, des actes de sabotage, un chantier branlant. Les citoyens ont faim, les rues sont sales, les services sont désastreux, l’État en faillite.

 

Arrivé au pouvoir sans programme, sans jugement, sans conscience apparemment sans conseillers, vous êtes l’un des hommes politiques les plus actifs de l’histoire du pays : ancien directeur, une fois premier ministre, deux fois président ; ces années suffisaient pour redresser cette nation inclinée.

 

Certaines natures, dit-on sont nées pour échouer et tous ceux qui se trouvent à leur portée sont appelés à disparaître.

 

Évitez au pays d’expirer dans vos bras

Évitez à la nation de perdre sa souveraineté

Évitez le pillage systématique de l’État

Évitez au peuple de mourir de faim

Évitez aux ravisseurs  d’agir dans l’impunité

Évitez à la population de pourrir dans la crasse

Évitez à nos concitoyens de prendre la mer pour se noyer

Évitez à d’autres de se faire mutiler chez nos voisins

Évitez aux jeunes filles de se prostituer

Évitez aux jeunes gens de sombrer

Évitez à nos enfants d’être vendus comme esclave

Évitez de faire pleurer les parents

Évitez à nos villes de veiller dans le noir

Évitez la désertification : mort de la nature

Évitez l’importation massive : mort du paysan

Évitez de trop mendier : mort de la nation

 

Si vous travaillez pour le compte des Dominicains, je vous pris de rester. Achevez la nation le plutôt que possible, puis faites venir un gouverneur de la République voisine.

 

Si je me trompe, ayez le courage de présenter votre démission. L’histoire nationale fera de vous un champion de l’honnêteté, un exemple de vertu pour notre jeunesse éperdue. Vous finirez vos jours sur la terre natale, parmi vos proches, sur vos plantations à contempler les animaux et les plantes, sans connaître l’exil, province glaciale, cachot de vos prédécesseurs.

 

Remettez le pouvoir à la Cour de cassation pour permettre aux braves fils de la nation, vos aînés en grandeur de mener le bateau en péril à bon port.

 

Attendant votre suprême décision, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.

 

 

 

 

Rony Blain

Porte parole de la souffrance populaire

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